Aujourd’hui je voudrais donner la parole à Maryse, une maman trentenaire souriante, drôle et inspirante par son parcours de femme forte, créative et dynamique. Comme tous les autres parents solos que j’ai interviewé, elle ne cache pas que la vie de parent célibataire, c’est dur. Mais au lieu de se laisser noyer par le chagrin et le fatalisme d’un statut de parent très difficile à concilier avec la vie active, au lieu de se voir comme une victime de la vie, ce qui est toujours tentant quand on doit gérer seule le quotidien de jeunes enfants, elle propose une solution à ceux et celles qui jonglent entre travail et enfants. Et elle ne s’arrête pas là puisqu’elle veut que les politiques prennent davantage en compte les parents solos dans leurs dispositifs d’aides publiques.
Bonjour, peux-tu te présenter ?
Bonjour je m’appelle Maryse, je suis maman de deux petites filles de 9 et 2 ans.
Nous vivons à Strasbourg, où j’ai atterri en octobre 2011 pour des raisons professionnelles.
Je travaille dans le conseil en informatique.
Depuis combien de temps es-tu maman solo ?
Je suis maman solo depuis 2 ans et demi.
Quelle est la cause de la séparation ?
La vie que nous avions ne correspondait plus à nos attentes respectives exprimées ou non.
Qu’est-ce qui a changé dans ta vie depuis que tu es parent solo ?
Depuis que je suis maman solo, énormément de choses ont changé.
Je dépense 1/3 de mon salaire en garde d’enfants, j’ai plusieurs métiers : maman, chauffeur de taxi (pour déposer les enfants à l’école), logisticienne (il faut bien gérer les courses) et je suis devenue web entrepreneure.
Bon plus sérieusement, j’ai la garde exclusive des enfants donc je gère absolument tout le quotidien toute seule, c’est assez fatiguant.
Mais le coté positif de tout ça c’est que grâce à mes galères de maman solo, j’ai eu l’idée d’un troisième bébé, une plateforme digitale qui va faciliter le quotidien des parents solos et de tous les parents en mal de garde d’enfants.
Que fais-tu quand tu n’as pas le moral pour te rebooster ?
Qui n’ a pas le moral ? Moi ? Jamais ! 🙂
Je suis plutôt du genre à voir le bon côté des choses négatives qui m’arrivent car il y a du bon en toute chose !
Mais il est normal et humain d’avoir des baisses de moral, pour me rebooster, j’écoute de la musique, je sors avec mes filles, je cuisine, je rencontre d’autres parents ( vive les réseaux !). La baisse de moral gagne du terrain lorsque l’on s’isole et qu’on rumine le passé. Il ne faut absolument pas se replier sur soi même après une rupture. La vie continue et il ne tient qu’à chacun de la faire continuer en mieux.
Personnellement, c’est plutôt la fatigue physique qui m’atteint que le manque de moral, ça fait 2 ans que je vis cette nouvelle vie de maman solo, je n’ai pas encore trouvé le meilleur équilibre mais j’y travaille.
Gérer à 2 bras un quotidien qui se gère au minimum à 4 bras c’est forcément épuisant.
Que dirais-tu à un parent solo qui voudrait se séparer mais a peur de le faire ?
Je suis d’avis qu’il vaut mieux quitter une relation qui n’est pas épanouissante avant qu’elle ne vous détruise. Si après mûres réflexions « à froid » vous ne trouvez pas de raisons de continuer, il vaut mieux arrêter.
On ne se met pas en couple pour souffrir, mais pour vivre heureux à deux, puis avec des enfants éventuellement. Toutefois il faut oser partir dans la dignité et le respect du conjoint et surtout en prenant ses responsabilités vis à vis des enfants.
Une séparation induit un changement important dans une vie surtout lorsque la relation a été longue et qu’il y a eu des enfants. L’être humain a naturellement peur du changement, c’est normal. Mais « vivre » n’est-ce pas aller au- delà de ses peurs ?
En plus sur le blog d’Alexandra, on retrouve les 13 avantages d’être parent solo 🙂 je ne vous dirai pas ma préférée…. allez je craque…la 1 et la 6!
Comment tes enfants se portent depuis la rupture ?
Mes filles se portent bien. Parfois les enfants rebondissent plus vite que les adultes. Mon aînée est assez mature pour son age, au début de la séparation elle pleurait beaucoup, mais deux ans après, c’est ma complice et mon bras droit ! Nous gérons la situation en équipe. La dernière n’avait que 4 mois quand son géniteur est parti, elle n’en a aucun souvenir et comme j’ai la garde exclusive, il n’ y a plus aucun contact. Là encore, malgré le manque que ça leur cause, ça évite aussi de remuer les plaies du passé.
Nous avons su toutes les 3 bien rebondir face à cette situation et je fais de mon mieux chaque jour pour que demain soit toujours meilleur qu’aujourd’hui, du moins j’essaye 🙂
As-tu un message à partager avec les autres parents solos ? Avec les papas solos ? Avec les mamans solos ?
Je dirai aux parents solos, papas ou mamans de ne pas s’isoler, il est important de bien s’entourer soit par la famille, des amis ou des associations. Le quotidien d’un parent solo est difficile. Ce sont des choses que l’on ne peut pas comprendre tant qu’on ne les vit pas soi même. Si votre entourage ne vous comprend pas toujours, tournez vous vers des personnes qui vivent la même situation que vous, tournez vous vers les réseaux pour trouver des oreilles attentives, écouter les expériences des autres, échanger ça aide à avancer, car il faut garder en tête qu’il faut avancer.
Quand on est parent solo, la vie continue, certes, différemment, mais elle continue.
Peux-tu nous parler de SYNE, ton troisième bébé ?
Smile You are Not alonE! (*Souris, tu n’es pas seule !) c’est la phrase que je me suis répétée sans cesse dans ma tête après ma séparation. Depuis quelque mois, c’est le nom de ma jeune Start Up (comme je disais plus haut qu’il y a du bon en toute chose ! )
Mes difficultés quotidiennes de garde d’enfants m’ont amené à développer le concept de garde d’enfants pour tous, une initiative qui va permettre aux parents de trouver gratuitement des solutions de garde en urgence via une plateforme innovante de mise en relation avec des professionnels de la petite enfance et des baby-sitters fiables et sûrs. Un mode de garde pourra être trouvé pour tous les enfants, même différents.
Les parents d’enfants porteurs de handicap, comme les parents solos rencontrent de nombreuses difficultés pour la garde. Tous les parents ont droit au répit.
Mener ce projet a été un exutoire pour moi. Après ma séparation, j’ai dû me battre pour rester debout et le frein majeur dans mon processus de reconstruction, c’était la garde des enfants, pour pouvoir maintenir mon emploi dans de bonnes conditions, avoir des loisirs, m’octroyer du répit. Je me suis donc lancée en février 2015 dans le développement de ce concept de garde d’enfants sociale et solidaire. J’ai découvert l’univers de la création d’entreprise, j’ai aussi rencontré des mamans qui ont rebondi après une rupture et ont créé une activité personnelle afin de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale ! Ces rencontres ont décuplé ma motivation. Je me suis donc lancée à la recherche de financements et de partenaires pour réaliser ce projet qui a socialement du sens.
En octobre 2015, le projet SYNE a remporté un prix national au concours Talents des Cités (concours co-organisé par le Ministère de la Ville et le Sénat pour promouvoir l’entrepreneuriat)
En février 2016, j’ai créé la structure SYNE avec un ami et associé, Olivier, marié et papa de 3 enfants.
La plateforme digitale SYNE sera lancée à la rentrée de septembre 2016. Les parents intéressés peuvent d’ores et déjà se pré-inscrire de partout en France en cliquant ici
En se pré-inscrivant, les parents seront tenus informés du lancement de la plateforme et pourront y trouver des solutions de garde pour leurs enfants.
J’ai besoin du soutien de tous les parents, solos ou en couple pour développer ce projet à l’échelle nationale. Vous pouvez soutenir SYNE en vous pré-inscrivant, en rejoignant notre communauté sur Facebook et en parlant de SYNE autour de vous.
SYNE, c’est un facilitateur de vie quotidienne pour tous les parents rencontrant des problèmes de garde d’enfants.
Peux-tu nous parler des messages que tu veux faire passer aux politiques sur les parents solos ?
Aujourd’hui, les structures familiales sont soumises à des mutations profondes : augmentation de la monoparentalité, réforme des politiques sociales, familiales, fragilisation des femmes car à 85%, ce sont des femmes qui se retrouvent à la tête de ces familles à moyens limités. Sans parler des difficulté face à l’emploi (les mamans solos surtout sont largement défavorisées), risque d’isolement et de dépression qui peuvent avoir de lourdes conséquences sur les enfants vivant au sein de ces structures monoparentales.
Les dispositifs publics d’aide ont presque toujours un cran de retard sur la réalité rendant encore plus difficile la vie des parents après un éclatement de la cellule familiale.
La réforme des rythmes scolaires par exemple a apporté son lot de contraintes. Mais quelles mesures ont été prises concrètement pour que les familles puissent facilement intégrer ce changement ? Combien de parent salariés peuvent se permettre de quitter leur travail pour aller récupérer leur enfants à 11h30 le mercredi ? Avec un seul salaire, travailler moins c’est perdre une partie de ses revenus, faire appel à des services extérieurs, c’est augmenter ses dépenses. Pour des familles où le moindre centime est compté, c’est toujours la même équation qui croit en complexité au fil des contraintes et aléas de la vie.
Les politiques devraient développer davantage des aides d’urgence aux familles monoparentales. Les familles attendent plus de rigueur dans le recouvrement des pensions alimentaires impayées. Les conditions d’attribution de l’aide juridictionnelle dans les cas d’abandon sont entre autres des mesures qui doivent revues et adaptées pour ne pas aggraver les difficultés d’un père ou d’une mère qui se retrouve seul(e ) du jour au lendemain suite à un abandon de famille, un divorce ou un décès.
Une mère seule, c’est un salaire et mille galères au quotidien , la société entière doit en avoir conscience, les politiques familiales doivent être adaptées. Aujourd’hui nous sommes 2 millions de familles monoparentales en France avec 5 millions d’enfants. Demain il y en aura encore plus, c’est une réalité. Derrière ces chiffres il y a des Vies, c’est La réalité !
Veux-tu rajouter quelque que chose à cette interview ?