Je réponds à ta lettre de jeune maman solo d’un enfant de 9 mois. Tu me racontes la vie d’une femme active qui court tout le temps, qui jongle entre ton travail à plein temps, ton rôle de mère d’un tout petit qui a besoin de beaucoup d’attention et un quotidien routinier de repas, de courses, de lessive, d’entretien à assurer .
Tu me dis que tu travailles toute la journée, que tu te sens démunie. Que tu réalises que dans ta journée de 24 heures où tu n’arrives pas à faire tout ce que tu devrais faire, tu ne passes pas plus d’une demi-heure avec ton garçon. Tu te rends compte que c’est tellement peu. Et pourtant tu ne peux pas faire plus. Tu culpabilises : « une mère devrait être plus disponible pour son fils ». C’est ce que tu te dis. C’est ce que je me dis aussi. J’aimerais passer plus de temps avec mes enfants. Parce qu’une mère, tout le monde le sait, une mère doit être présente pour ce qu’elle a de plus cher au monde. Sinon ce n’est pas une bonne mère. C’est ce que la société pense. C’est sûrement ce que tu penses. C’est souvent que je me dis.
Tu m’écris parce que tu t’inquiètes, tu ne te sens pas bien parce que tu ne le vois pas beaucoup ton petit homme et parce que quand tu le vois, ce n’est pas forcément des moments de bonheur, de sérénité que tu partages avec lui. Au contraire, ses pleurs sont incessants. C’est tellement frustrant de passer si peu de temps avec l’amour de sa vie et de se rendre compte que ces rares moments ne sont pas toujours agréables. Ce sont même parfois des moments où nous nous sentons énervées, fatiguées, dépassées. En théorie, nous devrions être d’heureuses mamans aimantes avec des enfants épanouis et contents de nous voir. En pratique, c’est tout autre chose.
Tu me demandes si tu es normale quand certains soirs, après le boulot, tu n’as pas envie de récupérer ton enfant. Parce que tu appréhendes des retrouvailles tendues, des pleurs bruyants et énervants. Parce qu’après le travail, tu as besoin d’un moment de calme et pas l’inverse. Tu me demandes ce que je pense de ta situation. Tu me demandes si je peux demander à d’autres mamans si elles se retrouvent dans ce que tu vis ?
Tu m’écris que tu éprouves des sentiments négatifs envers ton garçon. Et tu me demandes si c’est normal. Tu me dis que tu as l’impression de ne pas aimer suffisamment ton enfant. Ca te ronge. Tu te demandes si tu mérites l’appellation de maman. Tu te sens tellement coupable. Et tu demandes si ce que tu ressens va durer ou si c’est passager …
Je comprends ce que tu vis car je suis aussi une maman solo. J’ai deux petits enfants. Je suis devenue mère célibataire quand le dernier avait à peine 18 mois. Je commençais en même temps un nouveau travail à temps plein comme toi. Je crois que quand on est parent célibataire, le temps est tellement précieux que nous allons à l’essentiel. Et l’essentiel, quand nous avons des enfants, c’est d’avoir de l’argent. Alors dis-toi que c’est ce que tu fais et c’est très bien. Ne te reproche pas de travailler. Parce que tu n’as pas le choix tout simplement. Ca tu peux le dire calmement et gentiment à ton fils. Même s’il n’a que 9 mois, il ne comprendra pas forcément pourquoi tu es si souvent absente mais le ton de ta voix rassurante le réconfortera et ça te libèrera de lui dire cette vérité.
Je sais ce que c’est de manquer de temps, c’est ma vie de tous les jours. Je sais ce que c’est d’entendre les enfants me demander de les aider à faire quelque chose qu’ils n’arrivent pas à faire tout seul et de leur répondre : « pas maintenant, je suis occupée. » Je sais ce que c’est de les entendre de me demander de jouer avec eux et de répondre : « je peux pas, je prépare à manger ». Je sais ce que c’est de ne pas répondre oui à l’attente d’un enfant, je sais ce que c’est de décevoir et de ne pas se sentir à la hauteur.
Je t’écris cette lettre pour te dire que ta vie , c’est la vie de millions de mamans (célibataires et pas célibataires) qui font de leur mieux pour s’en sortir. Je t’écris cette lettre pour te dire que maman solo rime souvent avec culpabilité. Culpabilité de ne pas avoir un papa présent auprès de son fils et de ne pas lui offrir les meilleures conditions de départ pour une vie heureuse. Culpabilité de ne pas être la mère parfaite, bienveillante, calme, patiente. Devenir maman, c’est sortir d’un rêve initial de la joyeuse famille Ricoré et plonger dans la réalité d’une vie entre joies et fatigue, entre émerveillement et inquiétudes. Une vie où nous apprenons nous-même à devenir des mamans. Le manuel de la maman qui réussit n’existe pas. Parce que nous sommes toutes uniques et différentes, comme nos enfants.
Ne te rends pas malheureuse parce que tu es frustrée, parce que tu n’en fais pas assez. parce que tu as l’impression de le délaisser. Parce que tu as l’impression de ne pas être une bonne mère. Ca te stresse et ce stress, ton garçon le ressent. Et il va le traduire par des pleurs. Qui vont te faire sentir mal. Et c’est le début d’un cercle vicieux infernal.
Répètes-toi que tu fais de ton mieux car c’est la vérité. Et pense à te ménager des moments où tu peux te ressourcer. Parce que si tu ne te reposes pas, tu seras épuisée et cet état de fatigue te rendra moins patiente envers ton enfant. Et tu t’en voudras.
La bonne mère qui passe de nombreuses heures avec son enfant, qui garde son calme en toute situation, qui assure au travail, qui arrive à garder son intérieur propre et préparer des petits pots faits maison : elle n’existe pas. Ou elle finira à l’hôpital pour cause de burn-out. Parce seule, c’est très difficile de réussir à tout gérer parfaitement. Et la perfection n’existe pas.
Comprends qu’être mère, c’est faire de son mieux. Dans un monde où nous sommes tellement sollicitées.
Accepte que ton enfant pleure et que ça te fatigue. C’est normal, ça arrive à tout le monde, tu n’es pas un robot. Tu es juste humaine.
Tu te poses des questions. Tu te remets en question. Tu demandes conseil. Alors tu vas apprendre à une meilleure mère. Parce que tu as envie de l’être. Et je suis sûre que tu vas y arriver. Tu es normale et la vie de maman, c’est une expérience où l’on apprend en permanence.
Bref ne te mets pas la pression , chère maman en perpétuel apprentissage. Fais-toi confiance, essaie de ne pas te laisser noyée par tes soucis et laisse-toi du temps pour trouver un nouvel équilibre guidée par ton intuition de maman.
Et à la maman qui me lit, n’hésites pas à dire dans les commentaires ce que tu penses de la situation de cette jeune maman solo. As-tu connu les mêmes sentiments ? Que lui conseillerais-tu de faire ?