Réhabilitons la colère…
La colère, cette émotion mal aimée, mal comprise, mal acceptée, indésirable aux yeux de tou.t.e.s.
Notre colère, la colère de nos enfants, la colère d’autrui, celle qui effraie par sa puissance, celle que l’on refoule et qui finit par nous manger.
Qu’est-ce que la colère ? A quoi elle sert ? Ai-je le droit d’être en colère ? Comment sortir de cette colère ?
Que ce soit la vôtre, ou celle de vos enfants, cette émotion doit être accompagnée pour qu’elle
puisse s’en aller. Osons regarder en face cette émotion qui nous met extrêmement mal à l’aise.
Si vous me permettez, je vous emmène en balade…
Un peu de théorie…
La colère fait partie des 4 émotions primaires. Comme toute émotion elle est vouée à s’en aller,
lorsqu’elle est acceptée et accompagnée, via le processus charge-tension- décharge. Une émotion
non acceptée, non reconnue, non exprimée, s’imprime dans le corps et peut ressortir des années
plus tard sous bien des formes (somatisation de colères refoulées) : soucis d’ordre
médicaux (problèmes au foie, douleurs du système digestif, ulcère de l’estomac ou même cancer),
difficultés en société, dans nos relations (faible estime de soi, violences envers soi ou autrui)…
*A quoi sert la colère ? *
Chez l’enfant, c’est la 1 ère étape du deuil lorsqu’il est frustré. La colère, face à une frustration lui
permet de l’accepter et de se reconstruire. C’est une étape naturelle et nécessaire. Si nous ne lui
permettons pas d’être en colère et de l’exprimer, il ne pourra pas accepter sa frustration.
La colère est aussi une réaction face sur une invasion de notre territoire. Elle nous alerte sur un
besoin non satisfait, un non alignement de nous-même. Elle nous donne la force d’affirmer nos
idées, de dire « non » et de se faire respecter.
Pour se réparer, un enfant/un adulte doit pouvoir extérioriser cette colère. Une colère doit être
entendue et accompagnée.
Avant plusieurs années, le jeune enfant est submergé par ses émotions, il
vit un véritable tsunami émotionnel. Notre rôle est de le guider pour qu’il puisse se réparer.
Pour imager cette colère qui répare, j’aimerais que vous imaginiez une voiture toute cabossée qui a pris des coups.
Pour réparer la carrosserie, nous allons prendre un marteau et par l’intérieur donner des petits coups pour remettre correctement la carrosserie
La colère, c’est pareil, c’est un mouvement qui va de l’intérieur vers l’extérieur.
Sans l’expression de cette colère, impossible pour l’enfant (et l’adulte) de se réparer.
La colère est donc une émotion qui répare.
J’aimerai attirer votre attention sur une chose, sur la différence entre colère et violence.
La violence détruit, la colère répare.
La non acceptation de la colère engendre la violence.
« La colère parle de mes besoins à moi (en tant qu’enfant ou adulte),
la violence parle sur l’autre (je cherche à lui faire du mal, à le détruire). »
La violence est l’opposé de la colère.
Quand je suis en colère, j’exprime mes besoins,
si je cherche à détruire l’autre car je n’ai pas obtenu satisfaction,
je verse alors dans la violence. La violence est le refoulement de cette colère.
Et vous, quelle est votre relation avec la colère, la vôtre, celle de vos enfants ?
Introspection…
J’aimerai vous offrir un partage personnel, voire intime, sur cette émotion (m’offrir par la même
occasion, un peu de bienveillance que diable !).
J’ai une relation intime avec cette émotion qui m’a accompagnée de nombreuses années et qui
m’accompagne encore, par le biais de mon inconscient, dans mes cauchemars ou dans ma vie de
tous les jours. Ma relation avec cette colère est encore un peu hasardeuse, j’ai encore du chemin à
faire sur la voie de l’acceptation de cette émotion et surtout comment la gérer.
Je remercie mon fils et mon chemin de vie de me permettre de travailler là-dessus.
En espérant que mon partage puisse faire écho en vous :
Dans mon enfance et adolescence, je me suis sentie très peu écoutée, peu importe les moyens, cela ne passait pas.
Il faut dire qu’en général nous n’avons pas les cartes en mains pour exprimer cette
émotion. Mme colère a donc très rapidement surgit et je n’ai pas été guidée pour savoir comment
l’exprimer de façon adéquate.
J’ai même senti que son expression me mettait mal à l’aise, comme si je
ne devais pas être en colère, comme si ce n’était pas un comportement acceptable, comme si je
devais réprimer tout ça.
Mon entourage n’a pas su/pu/voulu gérer ça, comme la plupart des parents.
Les conséquences de cette non-acceptation de la colère et des comportements qui en découlent
peuvent être nombreux et multiples.
Nous pouvons nous sentir niés, « je ne mérite pas qu’on m’aime »;
« je suis insignifiant.e » etc, cela peut avoir un impact énorme sur l’estime de soi.
J’ai seulement réussi à mettre des mots sur tout ça assez récemment, quelques années au plus.
La maternité nous pousse à l’introspection lorsque l’on est prêt.e 😉
Quand je vois mon fils en colère et que je peux l’aider et l’accompagner :
je me dis que c’est grâce à ce bagage émotionnel et les outils que j’ai en ma possession.
Parfois je chute et je me surprends à ne pas tolérer l’expression de cette colère chez lui.
Ce n’est vraiment pas quelque chose de naturel d’accompagner quelqu’un dans son émotion, particulièrement celle-ci.
Parfois je surprends aussi son entourage à émettre des phrases telle que « t’es pas joli quand tu es en colère », et je vous avoue que ça me fait sortir de mes gonds…
J’aimerai vous donner quelques pistes et contribuer modestement à la réhabilitation de cette colère, la vôtre ou celle de vos enfants.
Accompagner votre colère
Je dois vous avouer que j’ai mis un moment à rédiger cette partie. Je me suis interrogée plusieurs
jours durant sur comment réellement accompagner notre colère, pas seulement vous donner des
trucs et astuces qui, au final, ne marchent pas.
J’ai enfin trouvé ce que je voulais vous partager et je suis contente d’avoir pu prendre ce temps pour moi :
pour me connecter et vous apporter de vraies réponses, du moins des pistes de réflexion.
En tant qu’adultes, nous avons les capacités psychiques de pouvoir faire baisser nous-même notre
pression émotionnelle. Capacité que n’ont pas les enfants. Bien que nous ayons cette capacité je
trouve qu’il est extrêmement difficile, une fois en colère de se rappeler de ce qui pourrait marcher,
nous sommes nous aussi embarqués dans cette spirale et regrettons après coup de n’avoir pas pu y
faire face. Même si avec de l’entrainement on arrive à quelques améliorations, je reste persuadée
que les pistes se situent ailleurs.
En effet, la raison d’une colère, rappelons-le, est un besoin non satisfait, non entendu voire refoulé.
Pour éviter des moments où l’on est en colère, il va s’agir de s’occuper :
- de nous, de nos besoins
- et de nous demander si telle ou telle situation nous convient vraiment ou si c’est juste un stratagème pour
nous protéger ou éviter de se confronter ( à un la frustration de notre enfant par exemple).
En tant que parents nous refoulons très souvent et très régulièrement nos besoins au détriment de nos enfants et de nous-mêmes.
Ceci est une violence envers nous-même et ça ne s’inscrit pas dans une dynamique de bienveillance.
Pour pouvoir être bienveillants envers nos enfants, il faut s’accorder à nous mêmes cette bienveillance.
Je vous propose donc régulièrement de vous interroger, « suis-je ok avec ça » « est-ce que cette
situation me convient » ?
Prenons un exemple inspiré de mon quotidien : je n’aime pas spécialement jouer avec des enfants
petits à des jeux d’imagination (lego ou playmo où on invente des histoires), je préfère les jeux de
cartes ou de société. Mon fils ne sait/veut pas jouer seul, je ne lui ai pas appris non plus car ce n’est
pas ma tasse de thé ^^ Socialement les conventions admises sont que les parents DOIVENT jouer
avec leurs enfants sinon ce sont de mauvais parents. Et je vous avoue avoir ressenti une pression
familiale sur ce point. Je me suis mise cette pression car je n’étais pas au clair avec moi ça. Il m’est
donc arrivé très souvent de me forcer. Quel serait le risque à votre avis sur le long terme ? Je
pourrais être agacée, énervé par le moindre truc que fait mon fils pendant ces moments de jeux et
avoir des mots blessants car je ne suis pas ok avec cette situation. Evidemment qu’il y a une
différence entre ne jamais jouer et se forcer sans cesse, l’idéal étant de trouver le bon compromis 😉
En prenant du recul sur cette situation, j’ai pu y voir plus clair. Oui je n’aime pas jouer et oui je
l’assume. A moi de trouver un compromis entre mes besoins et ceux de mon fils.
Ma solution a été d’accepter certains jours cette non envie de jouer et de lui partager sincèrement.
« Oui, je jouerai plus tard avec toi, pour le moment j’ai besoin de calme ».
Je pourrais vous en donner d’autres des exemples mais je pense que vous avez saisi le concept 😉
Pour éviter les moments de crises pour nous adultes, on va donc agir en amont et réfléchir sur nos
besoins.
Accompagner la colère de vos enfants
Ces outils sont à moduler en fonction de l’âge et du développement de votre enfant, à vous de tester ce qui vous/lui convient.
Tous ces outils sont à expliquer dans un moment calme, un moment ou vous prenez le temps de lui
montrer. Il est inutile de proposer ces outils lors de la tempête émotionnelle, il est déjà trop tard…
Dans un premier temps, assurez-vous que ses besoins primaires soient satisfaits. Une colère peut
correspondre à un besoin non satisfait : faim, soif, sommeil…
Dans un second temps, assurez-vous aussi qu’il s’agit là de la bonne émotion en pratiquant l’écoute
active: « je vois que tu es (très) en colère, c’est bien ça ? » « Que ressens-tu ? De la colère ? »
Enfin, proposez lui de l’aide « je te propose que l’on fasse … pour gérer cette colère qui monte en toi, tu veux essayer ? »
Je vous propose ici seulement 2 outils, je consacrerai un prochain article à plein d’autres outils concrets que je détaillerai :
- Coussin de la colère (pas avant 3 ans) : Vous pouvez choisir un coussin ensemble, qu’il soit
déjà décoré ou alors à customiser avec votre enfant, pour qu’il puisse être l’endroit où
l’enfant évacue la colère. Il pourra taper, mordre, crier dans ce coussin lorsqu’il sera en
colère.
- Taper des pieds/mains par terre : Si vous êtes en maison ou au rez-de- chaussée en
appartement sinon vos voisins vont râler ^^ L’enfant peut évacuer la colère en tapant des
pieds et des mains par terre très fort, en imaginant que sa colère s’en va (c’est une technique
que l’école de mon fils pratique et qui marche très bien)
Pour conclure …
J’aimerais vous dire que nous sommes les modèles de nos enfants, jusqu’à l’adolescence au moins 😉
Si nous leur montrons des parents qui savent prendre soin d’eux, qui savent écouter et prendre soin de leurs besoins, qui savent exprimer leur colère sainement, ils le feront eux même également.
Le message envoyé à nos enfants doit être cohérent. Un adulte qui refoulerait sans cesse sa colère (ou autre émotion) prend le risque que son enfant prennent en charge tout ça et le sorte à sa manière.
Les enfants sont des éponges à émotions.
PRENEZ SOIN DE VOUS POUR PRENDRE SOIN DE VOS ENFANTS 🙂
Petit plus…
Suggestion de livres pour enfants :
La couleur des émotions
La colère du dragon (Philippe GOOSENS)
Sam et Watson : plus forts que la colère ! (Ghislaine DULIER et Bérangère DELAPORTE)
Merci beaucoup à Emmanuelle Léonard, coach en parentalité bienveillante que vous pouvez retrouver ici, pour la rédaction de cet article .